TDAH : comprendre, diagnostiquer & accompagner
À l’occasion de la Journée nationale du Trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le Professeur Tu-Anh TRAN, chef du service de pédiatrie au CHU de Nîmes, nous éclaire sur ce trouble du neurodéveloppement encore trop méconnu.

Un trouble invisible aux conséquences bien réelles
Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité : derrière cet acronyme, TDAH, se cache une réalité complexe, évolutive et souvent mal comprise. Il ne s’agit pas « d’enfants agités » ou de simples « problèmes d’attention », mais d’un trouble neurodéveloppemental pouvant impacter gravement la scolarité, la vie sociale et la santé mentale, s’il n’est pas détecté et accompagné correctement.
Le Professeur Tu-Anh TRAN, chef du service de pédiatrie du CHU de Nîmes depuis 2012, coordonnateur du centre de compétence de rhumatologie pédiatrique, s’est passionné pour la question. Par l’expérience de nombreux jeunes patients suivis pour d’autres pathologies, il a constaté combien le TDAH était souvent associé aux maladies chroniques, et surtout, combien les enfants souffrant de TDAH étaient souvent livrés à eux-mêmes, en échec scolaire et en souffrance.

Journée nationale du TDAH : informer, prévenir, agir
La Journée nationale du TDAH, célébrée le 12 juin, vise à mettre en lumière ce trouble encore trop souvent ignoré ou mal diagnostiqué. Elle est l’occasion d’informer le grand public, mais aussi les enseignants, les professionnels de santé, les collectivités, sur la nécessité d’un repérage précoce et d’une prise en charge adaptée.
Qu’est-ce que le TDAH ? Symptômes, causes et comorbidités
Le TDAH est un trouble du neurodéveloppement. Il se manifeste par une difficulté persistante à maintenir l’attention, parfois combinée à une hyperactivité motrice et une impulsivité. Les enfants touchés peuvent sembler « dans la lune », avoir du mal à rester concentrés, être agités, parler beaucoup, interrompre les autres, ou encore oublier facilement leurs affaires.
Des causes multiples, souvent génétiques
Si l’origine exacte du TDAH est encore mal comprise, le Professeur TRAN précise que la composante génétique est fortement suspectée : dans de nombreuses familles, un parent présente aussi des traits TDAH. Des facteurs environnementaux sont également identifiés : prématurité à la naissance, traumatismes crâniens, anomalies cérébrales ou encore exposition précoce aux écrans.
Les comorbidités fréquentes
Le TDAH ne vient jamais seul. De nombreux enfants présentent également :
- Des troubles « DYS » : dyslexie, dysorthographie, dyscalculie
- Des troubles oppositionnels avec provocation (TOP)
- Une mauvaise estime de soi, nourrie par les échecs scolaires répétés
Ce que propose le CHU de Nîmes
Un parcours structuré et multidisciplinaire
Le CHU de Nîmes s’inscrit dans une démarche complète de repérage et d’accompagnement du TDAH, en lien avec l’Éducation nationale et les plateformes nationales :
- Questionnaire initial rempli par les parents et enseignants
- Tests neuropsychologiques (WISC-V), bilans en ergothérapie, en neuro-vision pour établir un diagnostic précis
- Réseau PCO (Plateforme de Coordination et d’Orientation) : les enfants bénéficient gratuitement de ces bilans coûteux (environ 1000 €)
- Projet Occitadys : pour les 7-12 ans, bientôt étendu à toute la tranche 0-12 ans
Des équipes formées et des dispositifs concrets
Deux pédopsychiatres assurent la coordination :
- Dr Hélène Poquet pour les 0-6 ans
- Dr Isabelle Souksi pour les 7-12 ans
Une fois le diagnostic posé, les enfants sont orientés vers les professionnels adaptés (orthophonistes, neuropsychologues, ergothérapeutes…), grâce au maillage territorial développé par le CHU de Nîmes.
Des traitements médicamenteux et non médicamenteux
L’environnement d’abord
Avant tout traitement médicamenteux, l’adaptation de l’environnement est prioritaire :
- Placement stratégique en classe
- Droit à un tiers-temps pour les évaluations
- Dictées aménagées, pauses fréquentes, assistance d’un AESH
- Soutien aux parents via des groupes Barkley, pour apprendre à gérer les oppositions, la fatigue cognitive et la communication
La méditation pleine conscience
Pionnier dans ce domaine, le Professeur TRAN a développé des outils non médicamenteux à base de respiration consciente, de relaxation, et de méditation pleine conscience.
« L’enfant est sans cesse ailleurs. S’il revient à sa respiration, il revient dans son corps. Et alors, il peut se concentrer. »
Ces méthodes sont enseignées aux enfants et aux parents, et même dans certaines écoles de Nîmes. Deux livres et des supports numériques avec flashcodes (dessins animés, méditations guidées) permettent de prolonger les bénéfices à la maison.
Quand le médicament devient nécessaire
Le méthylphénidate (Ritaline) est parfois prescrit. Il améliore la concentration et calme l’agitation, mais ne doit jamais être utilisé en première intention. Il nécessite une surveillance médicale stricte, notamment cardiaque.
Que faire si votre enfant est concerné ?
- Parlez-en à l’école si des difficultés d’attention ou d’agitation sont observées
- Consultez votre médecin traitant, point d’entrée unique pour enclencher la demande PCO
- Inscrivez votre enfant sur la plateforme pour bénéficier des bilans gratuits
- Engagez-vous dans la prise en charge environnementale dès les premiers signes
Un message d’espoir, mais aussi d’urgence
J’ai des étudiants en médecine TDAH. Ils ont réussi, malgré les échecs et l’agitation. Ce n’est pas une fatalité !
Mais il faut savoir que 18 % des personnes en prison ont un TDAH. Ce trouble, s’il n’est pas diagnostiqué et accompagné, mène à l’exclusion. Il faut mobiliser l’Éducation nationale, la société civile, les collectivités.

Écrans et TDAH : une cause environnementale avérée
Le Professeur TRAN insiste fortement sur un facteur environnemental de plus en plus documenté : les écrans.
« Les écrans peuvent provoquer un TDAH. Ce n’est pas seulement une aggravation de symptômes, mais bien une cause environnementale identifiable, en dehors de toute prédisposition génétique. »
Avant 3 ans, aucun écran ne devrait être exposé à un enfant. Les écrans - en particulier les vidéos rapides, les applications très stimulantes ou les réseaux sociaux - perturbent la capacité de concentration. L’enfant devient accoutumé à un flot constant de stimuli visuels et sonores, rendant ensuite l’école, plus lente et plus structurée, insupportable.
Des études ont montré que :
- Les enfants surexposés aux écrans développent des symptômes proches ou identiques au TDAH
- L’arrêt des écrans permet une amélioration visible des capacités attentionnelles et des résultats scolaires
Ce constat renforce l’importance d’une éducation numérique précoce et d’un encadrement parental clair sur l’usage des écrans.
En résumé
- Le TDAH est un trouble grave mais prenable en charge
- Le CHU de Nîmes propose un accompagnement structuré et gratuit via la PCO
- Les méthodes non médicamenteuses comme la méditation montrent des résultats étonnants
- Les médicaments ne sont qu’un outil parmi d’autres, jamais un automatisme
- La formation des enseignants, des soignants, des familles est essentielle
- Et surtout : il y a de l’espoir